Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/58

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de mon père, mais à la cour et à la ville je n’obéis qu’au plaisir ; il m’a donné de trop bons exemples pour ne pas les suivre : et ma pauvre sœur est bien dupe de s’être ainsi sa­crifiée à un caprice. Ce n’est pas que j’en veuille au comte d’Egmont ; c’est un brave officier qui ne craint pas d’exposer sa grandesse et tous ses vieux titres un jour de bataille ; mais l’amour et lui ne semblent bien étrangers l’un à l’au­tre ; il a même une passion des convenances, des préséances et du cérémonial appliqués à la vie journalière, qui rend toute intimité impossible avec lui. Au reste, cela est au­tant d’excuses, mon père le savait bien quand il a fait ce mariage. Ainsi donc, au lieu de se désoler, il faut satisfaire sa prévoyance.

De semblables discours pouvaient être fort dangereux : mais les principes du duc de Fronsac en amour, et les dissen­timents qui régnaient entre lui et son père, donnaient à ses avis une teinte de partialité qui leur otait tout crédit sur l’esprit de sa sœur.

Cependant l’unique désir qui lui restait encore était de se justifier auprès du comte de Gisors, en lui faisant connaître les raisons qui l’avaient contrainte à renoncer à lui ; elle avait d’abord eu l’idée de lui écrire, mais cette démarche l’effraya ; les conséquences en pouvaient être graves ; elle se flattait que son frère, devinant sa pensée, trouverait un moyen de la disculper auprès du comte Louis, et qu’il irait le voir pen­dant le peu de jours que M. de Gisors devait passer à Paris, avant d’aller rejoindre son père à l’armée.

En effet, le duc de Fronsac, toujours empressé à prouver qu’il n’épousait point les querelles de son père, se présenta à l’hôtel du maréchal de Belle-Isle ; mais il ne fut pas reçu.

— Devinez, dit-il à sa sœur, la raison qu’on m’a donnés pour m’empêcher d’entrer ? Je crois que c’est une mauvaise plaisanterie : on m’a dit que le comte Louis s’était fait ino­culer, uniquement pour obliger le docteur Tronchin, qui cherche des victimes de bonne volonté, afin d’éprouver l’effi­cacité de la découverte.