Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/60

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Pompadour, dont la présentation à la reine, en qualité de dame du palais, venait d’exciter l’indignation générale, avaient succédé les sarcasmes, les chansons malignes contre le duc de Richelieu et son prochain embarquement ; ses ennemis, suscités par le maréchal de Belle-Isle, médisaient tout haut de l’expédition, et intriguaient tout bas pour la faire manquer. Madame de Pompadour elle-même, qui avait destiné le commandement des troupes du Midi à une de ses créatures, ne pardonnait pas à la duchesse de Lauraguais du l’avoir fait donner au maréchal ; elle répétait chaque jour au roi qu’il était inutile de sacrifier des troupes au siège d’un rocher imprenable, et engageait M. d’Argenson à suspendre les préparatifs, et les approvisionnements nécessaires à l’expédition.

Le maréchal, après avoir démontré, dans un mémoire anonyme, l’importance de la conquête de Mahon, si l’on voulait intercepter la communication des Anglais avec le roi de Sardaigne, et s’ouvrir un passage vers l’Amérique, n’avait demandé que trente mille hommes, et répondait du succès. Le prince de Conti exigeait cinquante mille hommes pour tenter la même entreprise, et sans répondre de réussir. Le roi voulut savoir quel était le général si certain de la victoire. M. de Richelieu fut nommé. — Il est assez présomptueux pour l’avoir dit, répondit le roi, et assez brave, assez heureux pour ne pas manquer à sa parole… Eh bien, il commandera.

On conçoit qu’après avoir donné de telles assurances, il fallait les réaliser ou mourir ; aussi le maréchal voulut-il mettre ordre à ses affaires avant de se rendre à Toulon. Une idée plus impérieuse le préoccupait encore. Sans deviner tout ce que souffrait le cœur de Septimanie, il s’était aperçu que des soins respectueux avaient remplacé tous les témoignages d’affection qu’il en recevait autrefois. Elle m’en veut, dans l’inexpérience de son âme, de ce dont elle me bénira un jour, pensait-il ; mais n’importe, je ne saurais la quitter sans avoir obtenu le pardon d’une action trop raisonnable pour être appréciée à son âge. Son ressentiment nous porterait malheur à tous deux.