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prudences, et la mort n’a pas voulu en profiter. Il sera dans peu de jours en état d’aller à l’armée des côtes de l’Océan, où son père enrage de n’avoir pas un fort Mahon à escalader.

Au moment du départ, madame d’Egmont embrassa bien tendrement son frère !

XII

L’ÉPÎTRE


Madame d’Egmont est seule… seule avec sa pensée… avec cet amour qui dévore lentement son cœur. L’absence de son père, de son mari, la livre à elle-même. Sa liberté la fait frémir. Un mot d’elle au comte de Gisors peut la justifier, le ramener à ses pieds ; elle pourrait le revoir, lui prouver qu’en cédant à l’autorité paternelle elle n’a sacrifié que le bonheur de sa vie et non pas son amour. Elle pourrait le consoler par le récit de tout ce qu’elle souffre, lui jurer qu’aucune des séductions dont elle est entourée ne saurait la distraire de lui, mais le sentiment du devoir, de l’honneur la retient ; elle tremble de devenir coupable, et plus encore de perdre l’estime de celui qu’elle aime ; elle craint de changer sa haine en mépris, car ce qu’il aimait en elle, ce qui la déifiait à ses yeux, c’est sa pureté, son noble caractère : une trahison même en sa faveur pourrait détruire à jamais ce culte. Il maudirait la vertu qui avait fait obéir Septimanie à son père. Il mépriserait la faiblesse qui la rendrait parjure à son époux. Ainsi, c’est dans l’excès même de son amour qu’elle trouva le courage de résister au vœu le plus cher à son cœur.

Une autre idée encore l’affermit dans cette résolution héroïque ; son esprit exalté et religieux n’eût osé braver la colère du ciel, au moment où elle l’implorait avec tant de ferveur pour lui conserver la vie d’un père et d’un frère chéris. Elle aurait cru attirer tous les désastres sur sa famille, risquer l’existence et la gloire de son père en se rendant coupable d’une démarche qui alarmait sa conscience. Ce n’est pas la