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Chaque jour, madame d’Egmont recevait une lettre ou des chansons anonymes, dans lesquelles on prédisait la prochaine défaite de son père en termes burlesques et outrageants ; on y parodiait la réponse fiêre qu’il avait faite au général Blakenay, gouverneur du fort, quand celui-ci lui avait fait demander par quelle raison les Français étaient débarqués à Minorque : « Par la même raison qui a engagé les Anglais à attaquer les vaisseanx du roi mon maître, » avait répondu le maréchal de Richelieu.

Le siège se prolongeait ; malgré le succès de plusieurs attaques, rien n’annonçait une victoire prochaine ; le feu des ennemis était toujours très-vif, et le maréchal s’y exposait comme un simple soldat ; il allait tous les matins observer les ouvrages et l’effet des batteries, de la maison d’un meunier placée sur une hauteur. Les ennemis, voulant troubler ses observations, avaient fait de cette maison leur point de mire ; elle était criblée de coups de canon, et le maréchal ne cessait d’y venir, témérité qui causait l’admiration de l’armée, et faisait dire à Paris que M. de Richelieu ne voulait pas sur vivre à sa honte.

Dans l’anxiété où ces différents bruits jetaient Septimanie, la seule présence de madame de Lauraguais lui était de quelque secours ; elle retrouvait dans ce cœur passionné toutes les agitations qui tourmentaient le sien ; sans être le même sentiment, c’étaient les mêmes inquiétudes ; et l’on connaît la puissance d’une telle sympathie.

Cependant la duchesse d’Aiguillon engageait sa petite nièce à se montrer dans le monde pour démentir les conjectures sur le prétendu désespoir du maréchal de Richelieu ; et elle

    de marier le duc de Fronsac avec la fille qu’elle avait eue de M. Lenormand d’Étioles. Il éluda la proposition en disant qu’il se croyait obligé de demander, pour ce mariage, le consentement de la maison de Lorraine. Pendant ce délai, la mort de la jeune personne vint le tirer d’embarras ; mais le refus qu’il méditait excita une longue rancune.