Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/73

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tigue et de faim était tombé sans connaissance auprès du canon qu’il avait si bien servi.

Le maréchal lui fait donner les plus grands soins et charge un officier de s’informer du motif qui a pu déterminer le canonnier à se conduire d’une manière si désespérée. Thomas garde le silence et ne vent parler qu’à son général. Le maréchal le fait venir, Thomas tombe à ses pieds, lui avoue sa faute et le supplie de lui épargner la honte du supplice, en lui donnant le poste le plus dangereux, qu’il promet de garder jusqu’à ce qu’il perde la vie en brave soldat.

Le maréchal, touché d’un si noble repentir, l’assure qu’il peut reprendre son service ; quelques jours après, le duc de Richelieu le voyant servir la même batterie avec une adresse et une intrépidité incroyables, s’avance vers lui, et lui présente un brevet de sous-lieutenant, en lui disant :

— Prenez, mon ami, c’est la récompense du mérite[1].

C’est par de pareils traits que le maréchal de Richelieu se faisait chérir des soldats. Ce nouveau triomphe, en redoublant la haine de ses ennemis, les rendit cependant plus soigneux de la dissimuler. Madame de Pompadour elle-même, surprise d’un événement qui déconcertait toutes ses prévisions, entraînée par l’opinion publique, fit des chansons en l’honneur du maréchal, et l’appela longtemps son cher Minorquain[2].

Cependant les ministres, qui détestaient M. de Richelieu, s’opposaient à ce qu’il revint à Paris jouir de sa gloire, en prétextant que sa présence était nécessaire en Provence, pour garantir les côtes des incursions des ennemis ; mais la duchesse de Lauraguais fit tant, que, malgré M. d’Argenson, le maréchal obtint la permission de se rendre à la cour.

C’est alors qu’elle lui écrivait, en recevant la nouvelle de la prise de Mahon :

  1. Lacretelle, Histoire de France, tom. iv.
  2. La fameuse chanson de Collé lui valut 600 fr. de pension.

          Le Port-Mahon est pris
         Il est pris, il est pris, il est pris, etc.