Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/74

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« Ma joie est extrême, elle égale la tendresse de mes sentiments pour vous. Vous voilà comblé de gloire ! J’ai la tête et le cœur si remplis de satisfaction, qu’il est impossible de vous exprimer tout ce que je sens en ce moment : je me flatte que vous y suppléerez. J’ai eu le plaisir d’embrasser M. de Fronsac à son arrivée. J’étais toute seule à vous écrire quand j’ai reçu votre lettre. Et quelle lettre !… Je fus sur-le-champ à l’hôtel d’Antin, trouver M. de Fronsac, qui attendait des chevaux pour aller à Compiègne. Adieu, je suis si tremblante qu’il m’est impossible de vous en dire davantage. »

Puis quelques jours après :

« Je reviens de chez le garde des sceaux, qui est ici pour le Te Deum. Je suis resté avec lui, tête à tête, une heure et demie ; il m’a beaucoup parlé du tour que d’Argenson vous a fait ; c’est lui qui a empêché votre retour. Il a dit au roi qu’il fallait que vous restiez dans votre commandement ; et malgré l’envie que le roi avait de vous voir, il n’a pas eu la force de résister au d’Argenson. Le garde des sceaux est furieux d’une telle conduite, et en a parlé à madame de Pompadour, qui était dans la bonne foi de croire que votre présence était nécessaire sur la côte. Il l’a détrompée, et lui a fait voir la noirceur du procédé de d’Argenson à votre égard. Elle lui a dit : « Mais je croyais que le d’Argenson voulait plutôt du bien à M. de Richelieu que du mal. » Le garde des sceaux lui a répondu : « Je vous laisse à juger si c’est un service d’ami qu’il lui rend là ? »

» Tout cela ne vient que pour que Maillebois soit arrivé avant vous, pour lui faire dire ce que le d’Argenson voudra, et diminuer tant qu’on pourra la peine que vous avez eue et la gloire que vous méritez. Vous savez mieux qu’un autre que c’est dans le premier moment que l’on connaît ce qu’on a fait, et que les services les plus importants sont bientôt oubliés. Je suis fort d’avis, et c’est le conseil du garde des sceaux, que vous écriviez une lettre au d’Argenson, et une au roi, et que vous lui demandiez de venir ici huit jours, ayant des affaires indispensables ; que vous ne demandez pas mieux que