Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/75

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de vous en retourner, si c’est le bien de son service, et n’avoir pas l’air de vous douter de la plus petite chose. Le garde des sceaux m’a ajouté qu’il fallait envoyer un courrier exprès porter vos lettres, et qu’il attende la réponse ; qu’il ne fallait pas que vous retardiez un moment pour avoir votre congé, et revenir sur-le-champ : cela fera enrager le monstre d’Argenson ; il verra échouer par votre présence sa basse et odieuse intrigue. Je suis bien curieuse de savoir quel prétexte il prend vis-à-vis de vous en vous écrivant ; je ne serai pas tranquille jusqu’à ce que j’aie eu de vos nouvelles, et que je sache quel parti vous avez pris. Vous connaissez mon intérêt, mon adoration, mon amour pour vous ; vous devez juger que j’ai besoin d’être informée par vous, bien en détail, de ce que vous pensez de tout ceci ; il n’y a que ce que vous me direz qui puisse mériter ma confiance. M. de Fronsac part cette nuit ; je vous jure que je donnerais bien des choses pour avoir la liberté de m’en aller avec lui. Il vous porte la promotion des grâces que l’on a faite pour les Mahonistes ; elle ne transpire point ; elle ne sera déclarée que par vous, et j’espère que la survivance est dans le même paquet. Le roi ne l’ayant pas dit à votre fils, c’est pour vous donner l’agrément de le lui apprendre… etc.

» Venez. Madame de Pompadour, qui paraît maintenant exaltée sur votre compte, peut changer… Vous savez par expérience qu’elle vous aime selon l’occasion, et qu’aujourd’hui votre amie elle sera demain contre vous. Il se présente là une foule d’aspirants pour commander, et sûrement son Soubise ne sera pas oublié ! Je vois qu’en général on est fâché de vous voir victorieux ; une bonne défaite les aurait rendus tous contents. On ne s’attendait pas à ce que vous avez fait. J’ai le sang tourné de tout ce qui se passe. Je l’avais quand vous couriez risque d’être tué tous les jours, quand votre siège n’allait pas aussi vite que je le désirais ; mais vous avez été vainqueur ; je croyais être tranquille, et au contraire je suis encore plus tourmentée, puisqu’on ne vous rend pas justice. Ma sœur[1]

  1. La duchesse de Châteauroux.