Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/132

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et nous passerons devant ce qui restera des gens de service, sans qu’ils prennent garde à nous.

Louis XV, en parlant ainsi, serrait le billet dans la poche de sa veste, puis il le retira pour le lire encore, comme si sa mémoire eût besoin de revoir ce peu de mots pour se les rappeler, mais ces mots dictées par une si noble confiance renfermaient tant de choses !

Lebel, absorbé dans les réflexions que la joie de son maître lui fournissait, restait là immobile.

— Eh bien, dit le roi, ne m’as-tu pas entendu ?

— Ah ! pardon, sire, répondit Lebel de l’air d’un homme qui sort d’un rêve, c’est que je pensais… aux ordres… que me donne Sa Majesté.

— Tu n’y pensais pas du tout, sois de bonne foi, ton esprit était trop occupé de la requête que je n’ai pas voulu écouter ce matin.

— Ah ! Votre Majesté me supposerait capable !… Le manteau brun, le chapeau uni, j’ai parfaitement entendu ce qu’elle m’a fait l’honneur de me dire…

— Qu’est-ce qu’il demande, ton cousin ?

— Ah ! si les grâces se distribuaient en raison du mérite et de l’amour d’un sujet pour son roi, mon cousin aurait des droits aux plus grandes faveurs de Votre Majesté.

— Quel est le sujet de sa requête ?

— Un jeune homme plein d’esprit, qui fait des couplets charmants, mais non de ces chansons licencieuses, de ces refrains méchants qui font la fortune de certaines personnes.

— Tout cela ne me dit pas ce que veut ton cousin.

— Sire, il ne sollicite de Votre Majesté qu’un simple petit emploi dans les gabelles.

— Où est ce papier que tu m’a présenté ce matin ?

— Le voilà, Sire.

— Une plume.

Et Lebel s’empressa d’obéir.

Le roi traça en grandes lettres le mot Bon au bas de la requête.

— Remets cela demain à Duverney, dit le roi, et ton cousin sera placé.

— Que de bonté ! Sire, que ne puis-je témoigner à Votre Majesté… !