Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mencés, de livres ouverts, de crayons, de boîtes à couleurs, de croquettes pour la perruche : c’est le désordre d’une solitaire qui cherche à se distraire par l’occupation, ou même par des soins frivole, de la pensée qui la dévore. Une voix la fait tressaillir :

— Pourquoi trembler ainsi ? N’avez-vous point ma parole ? ne suis-je pas trop heureux d’être ici, pour chercher à abuser de tant de bonté ? Non ; je vous aime trop pour vouloir vous entraîner, pour me faire un droit de votre généreuse confiance. Ah ! si jamais le Ciel me réservait un bonheur dont la seule idée me rend fou, je voudrais l’obtenir de vous… oui, de vous, qui êtes ma joie, mon tourment, ma vie !…

En disant ces mots, le roi était aux pieds de madame de la Tournelle ; il couvrait sa main de baisers, et attachait sur elle des regards brûlants.

— Je vous crois, dit-elle d’une voix mal assurée ; si je pouvais douter de votre parole, vous ne seriez pas là.

— Eh bien, quittez cet air triste : jouissez un peu du bonheur qui m’enivre ! Si vous saviez tout ce que j’éprouve depuis que j’ai reçu le mot qui me donnait l’assurance de vous voir ! C’est un trouble, une ivresse de l’âme que je n’ai jamais connus :… non, jamais, ajouta le roi en voyant le doute qu’exprimaient les yeux de madame de la Tournelle.

— Je ne veux pas le savoir.

— Ah ! laissez-moi du moins la douceur de vous confier ce que je ne puis dire qu’à vous.

— Eh bien, venez là, dit madame de la Tournelle en montrant au roi le fauteuil qui était près du sien.

— Que j’aime ce ton impérieux ! il me prouve que vous comptez sur ma soumission, et vous avez raison, ajouta le roi en s’asseyant ; car il y a plus de plaisir à vous obéir qu’à commander à toute la France. Maintenant que vous voyez jusqu’où va votre pouvoir il faut bien vous en servir pour m’empêcher de punir autant qu’ils le méritent les misérables qui osent vous injurier.

— Ayez l’air de l’ignorer, Sire, je vous en supplie.

— Comment le pourrai-je ! Jamais ressentiment plus vif ne m’a ému. Grâce à eux, je connais pour la première fois le besoin de la vengeance.