Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/232

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passion du roi pour madame de la Tournelle, et de la résolution où il était de proportionner ses bonnes grâces et ses marques d’affection aux procédés qu’on aurait envers elle, la reine se résigna à cacher son ressentiment et sa peine sous le voile d’une politesse froide, à laquelle madame de la Tournelle donna le nom de bienveillance, de peur d’exciter la colère du roi.

Ce même jour, le bruit se répandit que le cardinal était à toute extrémité, le roi se rendit aussitôt à Issy pour le voir encore une fois. Le cardinal le reconnut, lui sourit avec reconnaissance ; puis il tomba de nouveau en faiblesse. Le duc de Richelieu, à qui madame de la Tournelle avait recommandé d’arracher le plus tôt possible Louis XV à ce triste spectacle, l’entraîna hors de la chambre du cardinal, qui survécut peu de moments aux adieux de son royal élève.

Louis XV fut sincèrement affecté de la perte de son vieil ami ; il ordonna qu’il fût érigé à ce ministre un mausolée dans l’église de Saint-Louis du Louvre, et fit célébrer un service solennel à Notre-Dame de Paris ; mais les occupations auxquelles la mort du cardinal livraient le roi, et la passion qui remplissait son âme, parvinrent bientôt à le distraire.

« C’est à la mort du cardinal de Fleury, dit l’histoire, que commence le véritable règne de Louis XV. Enfin la France va voir son monarque la gouverner ; c’était l’objet des désirs de la nation. On murmure, on résiste ordinairement à une autorité précaire et empruntée, on obéit sans répugnance à la puissance naturelle et légitime. Dans cette circonstance, la résolution la plus agréable au peuple que le roi pût prendre était de gouverner par lui-même, de se réserver la haute administration de son royaume. Le roi la prit et l’annonça ; il déclara que ses ministres n’auraient plus que le soin de faire exécuter ses ordres[1]. »

Le roi avait à disposer des emplois du cardinal ; il donne la charge du grand-aumônier de la reine à M. de Tavannes, archevêque de Rouen ; celle du premier aumônier, qu’avait M. de Tavannes, à l’abbé de Fleury, neveu du cardinal ; la feuille des bénéfices à l’ancien évêque de Mirepoix, précep-

  1. Journal historique de règne de Louis XV, seconde partie page 334.