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XLV

LA GUERRE, LE DUCHÉ


Le maréchal de Belle-Isle venait de quitter, le 2 janvier, son cantonnement sous Égra avec l’armée de Prague. Madame de la Tournelle reçut une lettre de lui qui lui mandait son arrivée à Francfort, où il avait trouvé le collier de la Toison d’or envoyé par le roi d’Espagne au prince de Bavière, pour qu’il l’en revêtît lui-même. « Vous voyez, écrivait-il, combien votre amitié porte bonheur. »

En effet, le titre d’ami de madame de la Tournelle était alors un brevet d’avancement ou de crédit ; mais il faut avouer que son esprit et son goût pour la supériorité lui faisaient choisir ses amis dans la classe des hommes de mérite, et que jamais favoritisme ne fût plus profitable aux intérêts de la France.

La campagne allait s’ouvrir, et madame de la Tournelle se vit privée de la présence de ses meilleurs amis. Le duc de Richelieu, le comte de Noailles, le duc d’Ayen, le prince de Soubise, le marquis de Gontaut partirent pour rejoindre le corps d’armée du maréchal de Noailles, campé sur les bords du Mein.

Cette campagne, qui s’annonçait d’une manière si brillante, grâce aux dispositions du maréchal, ne fut point heureuse. Une faute commise par le duc de Gramont, dont le zèle imprudent faillit compromettre le sort de l’armée, nous fit perdre tout l’avantage d’une affaire où nos troupes firent des prodiges de valeur[1]. Tout était habilement disposé par le maréchal de Noailles pour que l’armée anglaise, commandée par le roi d’Angleterre en personne, tombât dans une embuscade où le roi pouvait être pris lui-même : c’était un de ces moments décisifs qui semblaient devoir mettre fin à la guerre.

  1. Voltaire, Siècle de Louis XV ; — Histoire de France par Lacretelle ; — Mémoires du maréchal de Noailles,