Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/235

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Les postes étant assignés par le maréchal, il recommande à son neveu, le duc de Gramont, colonel des gardes, d’attendre que L’ennemi vienne se livrer ; celui-ci, au lieu de le laisser s’engager dans le défilé, fond avec deux régiments sur la première colonne ennemie ; les Anglais qui défilaient se forment aussitôt en bataille. Par là, les Français, qui avaient attiré les Anglais dans le piège, y tombèrent eux-mêmes ; on se battit avec acharnement de part et d’autre, les pertes lurent presque égales, enfin le maréchal de Noailles ordonna la retraite.

Dans cette confusion, vingt-sept officiers périrent, et un grand nombre furent grièvement blessés ; les comtes d’Eu, d’Harcourt, de Bernois, de la Motte Oudancourt, le marquis de Gontaut furent blessés ; les marquis de Sabran, de Fleury, les comtes d’Estrade, de Rostaing, le duc de Rochechouart y laissèrent la vie ! Le jeune comte de Boufflers, âgé de dix ans et demi, qui combattait à côté de son père, eut la jambe cassée par un boulet de canon. Il reçut le coup, dit Voltaire, se vit couper la jambe et mourut avec un égal courage. Tant de jeunesse et d’intrépidité attendrirent ceux qui furent témoins de ce malheur.

La nouvelle de l’affaire de Dettingen plongea Paris et Versailles dans une grande anxiété.

« Il y a eu de quoi mourir d’inquiétude, écrivait madame de la Tournelle au duc de Richelieu, car on a su lundi, après dîner, qu’il y avait eu une affaire, et le courrier du maréchal n’est arrivé que mardi à trois heures[1]. »

Madame de la Tournelle s’aperçut, à quelques mots dits par le roi, que ses ministres lui laissaient ignorer la plus grande partie des malheureux détails de cette affaire ; alors, prenant la lettre qu’elle venait de recevoir du duc de Richelieu, elle prouva sans peine à Louis XV le soin qu’on prenait de lui atténuer les désastres de l’armée, dans la crainte qu’il ne lui vint à l’idée de vouloir les réparer, en la commandant en personne. C’est en se servant habilement de la peinture de nos revers, en y opposant le tableau des triomphes qui attendaient le roi de France ranimant ses troupes par sa présence, el les conduisant à la victoire, qu’elle suggéra à Louis XV le projet qu’elle méditait depuis

  1. Lettres de madame de la Tournelle au duc de Richelieu, t. III.