Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/257

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lontairement la main qui tenait celle de sa prétendue sœur.

— Ah ! mon Dieu, que de piques réunis ! s’écria madame de Châteauroux en pâlissant d’effroi.

— Ce n’est pas pour ce jeune homme, poursuivit la veille, le voilà dans une compagnie d’amis ; il se réjouit avec eux.

— Mais pour qui sont donc toutes ces cartes sinistres ? demanda vivement une seconde fois la duchesse.

— Vous voyez bien, mademoiselle, que tous ces piques sont accompagnés de cœurs… C’est un malheur, sans doute… dit la devineresse en cherchante dissimuler son embarras… mais il est entouré de consolations… vous voyez… le roi de camr est là avec le neuf de pique, vous serez témoin d’une grande fête, de réjouissances comme on n’en a jamais vues.

— Sur qui porte ce malheur ? je veux le savoir, dit madame de Châteauroux dans une anxiété extrême ; car il était facile de deviner, au trouble de la vieille femme, la restriction qu’elle faisait.

— Mais… sur cette blonde-là, répondit-elle d’une voix à peine articulée.

— Ah ! je respire !

— Ce sont des extravagances qu’elle vous débite là. s’écria le roi en jetant les cartes par terre. Toute cette magie n’est bonne qu’a frapper l’esprit ; et le lieutenant de police a bien raison de la poursuivre. Lebel, paie cette femme, et dis-lui que le roi n’a pas le temps de l’entendre. Alors, prenant le bras de madame de Châteauroux, il la reconduisit chez elle en plaisantant sur la confiance qu’elhmontrait pour les rêveries de la vieille ; mais, tout en s’efforçant de la faire rire de ces prédictions sinistres, lui-même en était tristement préoccupé.

— En vérité, dit-il, je crois que c’est offenser Dieu que de vouloir ansi pénétrer les secrets de l’avenir, car on en est toujours puni par des idées tourmentantes : ce qu’on nous prédit d’agréable nous trouve incrédules, et nous sommes pleins de foi pour les malheurs.

— Je n’ai eu qu’un moment d’inquiétude, répondit la duchesse, mais la vieille l’a dissipée, et je vous jure qu’il ne me reste aucune impression douloureuse rie ce qu’elle m’a prédit à moi seule.