Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/278

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quoi il n’avait pas eu l’idée de s’adresser, dans le temps, à la duchesse de Châteauroux, pour faire parvenir au roi la juste réclamation du prix de ses services.

— Elle aimait à obliger le mérite, dit-elle d’un ton timide, elle se serait intéressée à…

— Moi ! madame, interrompit l’officier avec feu, moi, avoir recours à cette femme perdue ! Hélas !… je suis son parent, et c’est la seule tache que je connaisse à mon nom ; non, madame, l’honneur m’est trop cher pour vouloir rien tenir de la main d’une femme qui a vendu le sien… profiter de la faveur d’une…

— Malheureux, s’écria madame de Lauraguais, envoyant sa sœur tomber sans connaissance, vous l’assassinez.

— Qu’ai-je dit ?… grand Dieu ! s’écrie l’officier en aidant madame de Lauraguais à secourir sa sœur. Quelle est cette femme ?…

— Eh ! ne le devinez-vous pas, répond-elle, avec indignation ; quelle autre que celle que vous insultez pourrait ainsi mourir de vos paroles. Oh ! si vous connaissiez la bonté de son cœur, la noblesse de son caractère, jamais vous ne l’auriez outragée à ce point. Elle est si malheureuse !…

— Pardon, s’écrie l’officier en se jetant aux pieds de madame de Châteauroux, je suis un barbare, un monstre, d’insulter ainsi une faible femme ; c’est l’exaltation d’un sentiment auquel j’ai tout sacrifié dans ma vie qui me rend sévère, injuste ; mais je ne suis pas méchant, jugez-en plutôt, l’état où je la vois m’arrache des larmes. Ah ! je donnerais ce qui me reste au monde pour la voir se ranimer, pour lui ôter le souvenir de cet affreux moment.

L’accent de cette voix implorante pénétra jusqu’au cœur de madame de Châteauroux ; elle ouvrit les yeux et vit tant de repentir de l’avoir offensée dans ceux de l’officier, qu’elle lui tendit la main ; il la pressa de ses lèvres, lui demanda encore pardon de sa cruauté, jura de la réparer dans un entier dévouement ; car, disait-il dans son regret d’avoir été si barbarement sincère, on n’a pas de traits si nobles, un regard si pur, une douleur si vraie sans mériter l’indulgence, l’amitié.

— Ah ! c’est votre prospérité passée que j’insultais ! laissez-moi vous venger en me permettant de me dévouer à votre malheur, croyez que j’y serai fidèle.