Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/281

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l’on vous faisait, et je parierais bien qu’avant deux mois le duc de Châtillon et sa femme seront exilés ; ne vous laissez donc point abattre par le chagrin : si le roi vous venge ainsi, c’est qu’il vous aime encore. »

Enfin, après deux, mois de tranchée ouverte, le drapeau blanc flotta sur les remparts de Fribourg ; les châteaux que l’Autriche regardait comme imprenables étaient déjà détruits par nos bombes. Dannis, gouverneur de la ville, vint lui-même au quartier du roi, et lui dit qu’il n’apportait aucune capitulation, s’en remettant à sa générosité. Louis XV accorda une suspension d’armes, ensuite il lit évacuer la place, et démolir les fortifications.

Après avoir tout ordonné, le roi se mit en roule pour Paris ; un courrier du duc de Richelieu en vint apporter la nouvelle à madame de Châteauroux. Hélas ! l’impression de joie qu’elle en éprouva fut cruellement empoisonnée par ce que lui mandait son ami ; d’abord le roi lui avait ordonné de ne pas le suivre, et de se rendre sans délai en Languedoc, pour y tenir les états ; ensuite, malgré toutes les insinuations de M. de Richelieu et ses questions indirectes, il n’avait pu obtenir un seul mot du roi sur elle.

« Il est clair, ajoutait-il, que les prêtres, la cabale de la reine, et, plus que tout cela, le désir de ne diminuer en rien le triomphe qui l’attend, remportent sur tous ses autres sentiments : il souffre visiblement de votre absence, rien ne lui plaît, rien ne l’intéresse ; mais comme vous n’êtes plus là pour stimuler cette âme engourdie, elle cède à l’ombre du cardinal qui semble avoir passé dans le corps de l’aumônier. Je ne saurais blâmer la fierté qui vous enchaîné ; je sens qu’il est des insultes dont le ressentiment ne permet pas de faire certaines démarches, et cependant le moindre souvenir de vous… un seul mot peut-être… »

— Ah ! je ne le dirai pas, ce mot humiliant, s’écria la duchesse ; jamais il ne saura de moi ce que je souffre par son abandon cruel. Il l’a voulu, il le vent encore ; non, puisque son retour à la vie n’a point été le signal de mon rappel, i nul ordre n’a rétracté ses ordres barbares ; puisque nul souvenir de lui n’est venu adoucir mes larmes, c’est que son cœur m’est fermé sans retour… Ah ! qu’il soit du moins tout à cet amour de gloire que j’ai fait naître en lui ! qu’il me sacrifie à sa renommée, qu’elle s’augmente,