Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/282

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s’il le faut, de son ingratitude ; mais que j’implore sa pitié, après avoir eu son amour… non, je l’aime trop encore pour m’avilir ainsi !… il est trop puissant pour que je lui pardonne.

Et des pleurs inondaient son visage ; alors, pour calmer un peu les accès d’une douleur si déchirante, madame de Châteauroux se rendait à l’église ; un carrosse sans armoiries, des gens sans livrée, une mantille dont le capuchon retombait sur ses yeux, l’empêchaient d’être reconnue ; d’ailleurs, le curé de Saint-Sulpice, touché des aumônes qu’elle faisait aux pauvres de sa paroisse, lui avait donné le privilège d’entrer dans la petite chapelle réservée qui tient à celle de la Vierge. C’est là que, se livrant à toute la piété de son âme, elle demandait au Ciel le pardon de ses erreurs et la fin de sa souffrance ; exaltée, superstitieuse comme toutes les âmes tendres, elle implorait la sainte Vierge pour en obtenir la faveur de mourir le jour d’une de ses fêtes.

Cette faveur lui fut accordée.



LV

SERA-T-ELLE EXILÉE ?


— Eh bien, qu’avez-vous appris demande madame de Châteauroux à sa sœur qui revenait de chez la princesse de Conti.

— Tant de choses contraires, qu’on ne sait auxquelles croire, répond madame de Lauraguais. Nos amis n’ont point d’espérance, et’pourtant nos ennemis sont fort inquiets. Maurepas fait courir le bruit que le roi ne veut faire aux Parisiens la grâce de passer trois jours aux Tuileries que pour vous voir plus commodément ; il espère indisposer le peuple par ces propos, et provoquer tant d’animosité contre vous, que l’on croie prudent de vous envoyer une lettre de cachet qui vous force à quitter Paris avant l’entrée du roi. Voilà quel était, ce matin, le sujet de conversation chez la