Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/283

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reine, lorsque la princesse de Conti et madame de Modène y sont arrivées. La peine, M. le Dauphin et les princesses seront ici demain ; c’est déjà un bruit, une agitation sans égale ; tous les ouvriers de Paris sont partis sans attendre la permission des chefs de leur corporation, pour aller au-devant du roi ; les routes sont couvertes de peuple ; mais comme c’est partout la même chose, l’accueil qu’un lui l’ait dans chaque ville a retardé sa marche ; il ne sera que demain soir aux portes de Paris ; là il trouvera les grands carrosses du sacre, toute ; la cour, les échevins, les ministres, les premiers du parlement et mesdames les poissardes, dont la première dame compte bien sur l’honneur de l’embrasser pour prix de son bouquet de laurier-rose. Ce cortège se mettra en marche dès que le canon nous apprendra l’arrivée du roi à la barrière. Pauvre amie, ajouta madame de Lauraguais, en voyant pâlir sa sœur, je sais quel retentissement ce coup de canon aura dans votre cœur blessé ! mais c’est quelque chose encore que de pouvoir l’entendre !

— Ils ne me laisseront pas même cette cruelle joie, s’écria madame de Châteauroux ; et qui s’opposerait à leur rage contre moi ? ne m’ont-ils pas impunément abreuvée d’outrages ! ai-je trouvé un défenseur contre leurs calomnies ! celui pour qui j’ai tout sacrifié a-t-il élevé sa voix puissante contre tant de clameurs injustes ? a-t-il dit que mon amour pour sa gloire, pour cette gloire qu’on proclame aujourd’hui, m’a seul entraînée dans l’abîme ; que nulle ambition personnelle n’a flétri ma passion pour lui ; que jamais l’or, si souvent offert par ses ministres, n’a souillé mes mains ; que, loin de chercher à m’attirer ses bienfaits, je ne les ai jamais acceptés qu’avec répugnance et par ordre ; enfin, m’a-t-il justifiée [tarie moindre regret ! non, il m’a livrée lui-même à la boule, au mépris ; il a laissé traiter d’infâme, d’assassin, la femme dont il avait eu tant de peine à triompher ; celle dont les soins pour lui avaient toute la prudence, tout rouement d’une sœur, d’une épouse, d’une mère ! Ah ! maudit soit le jour où la colère du ciel est tombée avec son amour sur notre famille ! son souffle nous a flétries à jamais ; il n’est plus d’asile sur la terre pour celle qu’il abandonne ; pour cette troisième sœur déshonorée, délaissée à son tour. Va, fuis-moi, ajouta-t-elle avec l’accent du désespoir et en repoussant madame de Lauraguais ; va rejoindre