Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/312

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Alors il fit signe à tout le monde de s’éloigner pour laisser la malade tranquille. Ensuite, profitant de l’assoupissement qui survint, il retourna à Versailles. Sans révéler au roi toutes les craintes qu’il concevait, il lui avoua que madame de Châteauroux avait eu deux crises violentes. Bien qu’il assurât que la saignée avait triomphé de tous les symptômes alarmants, le roi voulait partir à l’instant même pour aller la voir. Vernage lui fit observer qu’un tel empressement lui serait funeste, car il lui donnerait la certitude d’un danger dont elle n’avait déjà que trop l’idée.

Commander au nom de cette vie si chère c’était, s’assurer la plus scrupuleuse obéissance. Le roi consentit à attendre jusqu’au lendemain soir pour se rendre auprès de madame de Gbâteauroux. D’ici laies courriers devaient partir d’heure en heure pour lui en rapporter des nouvelles ; et Vernage donnerait lui-même chaque matin après avoir [tassé la nuit à l’hôtel Lauraguais ; sans que la duebesse le sût, car tant de soins l’auraient effrayée.

Dumoulin, Sirac, Chomel, tous les premiers médecins de Paris furent appelés par Vernage en consultation sur l’état de madame de Châteauroux, dont les crises convulsives se renouvelaient plusieurs fois par jour ; mais elle s’obstinait à refuser devoir d’autres médecins que Vernage. Pour être introduit près d’elle, il fallait prouver qu’on venait delà part du roi, et lorsqu’on lui proposait quelque nouveau moyen de guérison :

— Vous savez bien, répondit-elle, que tout cela est inutile.

La saignée, les potions calmantes, triomphant pendant quelques heures de ses accès violents, étaient les seuls remèdes auxquels elle voulût se résigner. Elle avait elle-même calculé l’intervalle d’une crise à l’autre, et ce que la perte du sang lui assurait de moments de calme pour faire coïncider la visite du roi avec un de ces moments où l’affaiblissement des douleurs lui permettait d’écouter et de parler.

Une circonstance qui frappa beaucoup de gens, c’est que le bruit du danger de madame de Châteauroux se répandit en province et dans de certains quartiers de Paris, même avant qu’elle fût malade. Le duc de Richelieu l’apprit à Montpellier, deux jours avant la lettre de madame de Lau-