Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/313

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raguais qui lui parlait de ses inquiétudes sur sa sœur-, et le chevalier de Mailly, qui était reparti pour la Picardie à la nouvelle du prochain retour de madame de Châteauroux à la cour, fut très-étonné d’entendre dire à Péronne que la joie de retrouver le roi plus amoureux que jamais l’avait fait tomber malade. Ayant puisqu’un autre les moyens de combattre ce bruit, M. de Mailly ne s’en alarma point, mais, comme il se confirma trop tôt sur des lettres particulières, le chevalier revint sur-le-champ à Paris. Car s’il haïssait la favorite, il chérissait madame de Châteauroux et l’idée de son danger le mettait au désespoir.

Elle sourit de plaisir en le revoyant, le gronda de son départ, lui dit, avec une grâce charmante, que c’était mal, d’abandonner ses amis dans le bonheur ; puis elle ajouta tristement :

— Vous le voyez, ce bonheur est assez périlleux pour qu’on me le pardonne.

Et le pauvre chevalier était si cruellement ému en l’écoutant parler ainsi, qu’il baisa la main brûlante qu’elle |lui présentait, et sortit précipitamment de la chambre. Au milieu du salon, ne pouvant plus maîtriser son émotion, il tomba sur un siège et fondit en larmes.

Deux hommes debout près de la croisée parlaient à voix basse ; beaucoup d’autres personnes qui se tenaient à distance d’eux occupaient l’autre moitié du salon. Le chevalier n’y prit pas garde ; absorbé dans sa douleur, il disait des mots sans suite… et menaçait tout haut les assassins de sa cousine.

— Où sont-ils ces monstres… ces lâches empoisonneurs… que je leur fasse justice !… Quoi ! ce n’est point assez d’arracher une femme angélique au repos, à l’honneur ; de désoler, de flétrir sa famille, il faut encore qu’elle meure victime de… ! et ce roi, si puissant pour la déshonorer, que fait-il pour la défendre contre les infâmes qui la tuent ?…

— Taisez-vous ! s’écrie madame de Lauraguais ; le roi est là… ne le voyez-vous pas ; il questionne Vernage sur l’état de ma sœur.

— Vient-il pour la sauver ? pour nous livrer les assassins de notre famille ? Ah ! cet espoir peut seul contenir ma rage, dit le chevalier en se levant.

— Quel est cet homme ? demanda le roi.