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Madame de la Tournelle accepta celui de la reine comme un bienfait du ciel. C’était à ses yeux le bouclier qui devait la défendre contre toutes les attaques. Car si la sagesse devenait impuissante contre la séduction, elle serait enchaînée à la vertu par la reconnaissance.

Le roi, qui s’était d’abord réjoui de l’abandon où se trouvait madame de la Tournelle, sentit tout ce que la protection de la reine allait ajouter d’obstacles à ses vœux. Il s’en affligea au point d’être obligé d’en parler, lui qui savait si bien dévorer une peine !

Le duc de Richelieu essaya de le consoler, en lui démontrant que la nécessité de la rencontrer chez la reine et les princesses était le moyen le plus sûr de combattre toutes les sages résolutions de madame de la Tournelle : qu’ajouter à tant de séductions l’idée d’un crime d’ingratitude, c’était la conduire à la passion par le remords.

Le roi désirait savoir les particularités de la mort de madame de Mazarin ; il fit demander madame de Flavacourt, n’osant pas s’adresser à sa sœur. Il la plaisanta sur sa station étrange dans la cour des ministres, et fit la réflexion gracieuse et spirituelle qu’une semblable démarche ne pouvait venir à l’idée que d’une femme honnête. Car, pour faire ainsi parler de soi, il fallait être certain qu’il n’y avait que du bien à en dire. Ensuite il lui promit la première place vacante de dame du palais, et lui donna un appartement dans l’aile gauche du château, qui avait été occupé autrefois par madame de Mailly. Madame de la Tournelle eut l’appartement de M. de Vauréal, évêque de Rennes, alors ambassadeur en Espagne.

Lorsque madame de Flavacourt revint près de sa sœur, avec quelle attention madame de la Tournelle écouta les moindres détails de cet entretien, et qu’elle sut bon gré à Louis XV de lui avoir épargné des remercîments qu’elle n’aurait pu lui adresser sans embarras.

Par suite de cet événement, M. de Maurepas fut mal reçu du roi pendant plusieurs jours. Il avait prévu cette disgrâce momentanée, et s’appliqua à y parer en se rendant utile. Il avait toujours en réserve, pour ce qu’il appelait les moments difficiles, quelque affaire épineuse, quelque décision embarrassante à prendre où son avis et son travail étaient indispensables ; et, quand cette ressource ne suffisait pas