Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/69

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— Que dites-vous ! s’écria-t-elle en cachant sa tête dans ses mains.

— Je répète ce que le roi vient de me dire, continua le duc de Richelieu ; il a même ajouté que cet aveu ne pouvait vous compromettre, car il a bien affirmé ne vous avoir jamais parlé de son amour : mais vous pensez bien qu’aux yeux, de madame de Mailly rien ne vous justifie du crime de plaire. Ainsi attendez-vous à tout ce que sa cabale pourra tenter contre vous ; car de sa part, à elle, vous n’avez rien à craindre ; elle pleurera, s’évanouira, s’humiliera pour n’être point renvoyée ; mais comme elle n’est pas méchante, sa vengeance n’ira pas plus loin.

— Et cette scène ridicule sera demain connue de toute la cour, lors même que le roi et vous en garderiez le secret. Pensez-vous que madame de Mailly soit aussi discrète ? Non, sa douleur parlera, on m’accusera d’avoir voulu la supplanter ; le bruit en viendra à la reine, et je serai perdue avant de pouvoir me justifier. Ah ! mon Dieu ! pourquoi n’ai-je pas préféré le couvent, où j’ai passé si doucement mou enfance, à ce séjour de malheur et de doute ! Pourquoi ai-je suivi ma sœur et n’ai-je pas résisté aux ordres de la reine ! Je ne serais pas exposée à paraître indigne de sa protection quand je la mérite encore, quand je veux la mériter toujours !

Et les larmes l’empêchèrent de continuer.

— Ne vous alarmez point ainsi, ma chère enfant, dit le duc de Richelieu du ton de l’intérêt le plus sincère. La reine ne saura rien de tout cela, car celui qui l’en instruirait pourrait payer cher cette indiscrétion. Le moindre mot du roi rendra à madame de Mailly toutes ses illusions ; et d’ailleurs, Meuse se chargera de lui faire entendre qu’elle ne peut rester dans l’amitié du roi qu’à la condition de ne rien dire, de ne rien savoir, de ne rien voir, de ne rien exiger. Elle a déjà fait preuve d’une abnégation complète, cela lui coûtera moins qu’à une autre : et je vous promets paix et silence de ce côté.

— N’importe, je souffre trop ici, je n’y resterai point.

— Et où voulez-vous aller ?

Puis, voyant madame de la Tournelle prendre une plume et s’asseoir à une petite table :

— À qui écrivez-vous là ? ajouta-t-il.