Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/89

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sonne dont on n’a rien à attendre. À vous parler franchement, j’en étais ravi pour d’Agenois : mais je vois trop qu’il n’a rien à gagner au parti que vous avez pris, et que vous serez tous deux également à plaindre.

Des interpellations directes, des plaisanteries moqueuses sur cet entretien y mirent fin. On parla de la prochaine arrivée de la duchesse de Modène ; des nouveaux déguisements qu’allait prendre le duc de Richelieu pour tromper les argus du mari italien. Le goût de madame de S*** pour un acteur fameux ne fut point oublié ; on prétendit qu’elle faisait chaque soir quitter la livrée à ses gens pour les envoyer, en habit bourgeois, applaudir au parterre. Puis, passant aux débats littéraires, chacun plaida pour son auteur. Les prudes en faveur de Jean-Baptiste Rousseau, les jolies femmes pour M. de Voltaire. Après une longue discussion entremêlée de petites personnalités, chacun resta de son avis, avec l’espérance de voir ses épigrammes répétées le lendemain dans tous les salons de Paris.

Enfin on sortit de table, et comme la nuit était froide et la route â faire assez longue, la plupart des invités s’empressèrent de retourner à Paris.

Lorsqu’il ne resta plus que les habitants du château, on forma un cercle autour de la cheminée, et l’on se mit, comme de raison, à médire des partants.

Qui n’a pas été complice d’un crime semblable ? qui n’a pas profité de ce moment charmant, où le départ d’une coterie laisse respirer celle qui est à demeure dans le château ? Avec quelle intimité l’on cause alors ! avec quel abandon l’on repasse les défauts, les ridicules absents ! comme chacun est d’accord de se venger gaiement de la contrainte de toute une soirée !

— Maintenant, mesdames, que nous voici en petit comité, dit M. Duverney, il faut que je vous lasse une grande confidence.

— Une confidence ! répéta madame de Brancas, tant mieux ! c’est toujours intéressant. Serons-nous tenus à la discrétion ?

— Pendant cette nuit seulement.

— Ah ! c’est fort raisonnable, s’écrièrent plusieurs personnes.

— De quoi s’agit-il ? d’une intrigue, d’une disgrâce ou d’un mariage ?