Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/124

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sie qui m’a donné le délire. Cependant, j’en dois convenir, pas un fait, pas un mot n’autorisa mes soupçons ; mais en amour on est plus éclairé par ce qu’on sent que parce qu’on voit, et je ne sais quel démon a fait germer cette idée dans ma tête ; mais j’ai la certitude qu’un amour profond, violent et tourmenté, agite depuis quelque temps le cœur de Clotilde.

— Vraiment, rien n’est si croyable, dit en souriant Adalbert, et ta passion est bien digne de troubler cette jeune âme.

— Plût au ciel, mais je ne saurais m’en flatter ; je suis trop son esclave pour lui coûter une larme ! et quand je la surprends les yeux encore humides de celles qu’elle vient de verser, quand je la vois me sourire sans pouvoir obtenir de son beau visage la gaîté qu’elle veut feindre, quand je la vois m’écouter sans trouble, sans crainte ni joie, et comme absorbée dans une pensée qui la rend indulgente pour ma folie, qui lui fait prendre en pitié les tortures d’un amour non partagé ; je me sens dévoré de l’affreux soupçon qu’elle en aime un autre, de l’idée qu’un obstacle insurmontable l’oblige à sacrifier, à étouffer le sentiment qui la domine, et que c’est à ce qu’elle souffre que je dois sa patience à supporter mes plaintes, sa grâce