Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/15

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il avait confié sa fille unique à une vieille Française de ses amies, avec l’injonction de la mettre dans le couvent le plus à la mode de Paris ; c’est-à-dire celui dont les élèves tenaient aux familles les plus aristocratiques.

— Il faut, disait-il, qu’elle prenne de bonne heure les manières des gens avec lesquels elle est destinée à vivre.

Cela faisait pressentir la résolution de Thomassin ; il avait pour principe que l’argent n’est bon qu’à acquérir ce qui manque. Or, possédant tous les biens qu’on envie, excepté un beau nom et un titre, il était décidé à acheter l’un et l’autre pour en parer son héritière.

Madame Thomassin, que ce projet contrariait visiblement, hasardait bien, de temps en temps, quelques observations sur l’inconvénient d’établir ses enfants dans un monde où l’on n’est admis qu’à la condition de payer ses dettes et de l’amuser par ses ridicules bourgeois. À cela, Thomassin répondait qu’on ne se moquait pas longtemps des gens riches. Qu’avec un bon cuisinier, des concerts bruyants, des bals resplendissants, on avait le choix parmi les plus insolentes beautés qui donnent la mode, et les plus vieux seigneurs, les plus jeunes roués qui donnent le ton.