Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/286

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pendant que la lecture de cette lettre y faisait naître tour à tour la pâleur du désespoir et l’animation d’une félicité céleste, Clotilde s’appliquait à deviner le sentiment qui dominait cette âme passionnée, mais lui-même l’ignorait.

— Ma sœur ! disait-il d’une voix éteinte… Elle ! ma sœur ! et je n’en meurs pas de joie… Et je me fais horreur à moi-même… car cet amour qui devient un crime… quelle puissance peut l’éteindre ? Est-il un devoir, un remords capables d’en triompher ? Non !… c’est moi, c’est ma vie… et le condamner à mort, c’est ordonner mon supplice ; mais avant de le subir, j’aurai soulagé mon cœur de tout ce qui l’accable, je t’aurai dit les douleurs, les ravissements de ce cruel délire ; tu sauras jusqu’où ce culte fanatique pouvait…

— Non, je ne le saurai pas, interrompit Clotilde, car c’est offenser le ciel et flétrir le plus pur des sentiments, que d’y mêler les aveux d’une si criminelle démence. Quoi, vous, sur qui je comptais pour me défendre contre mes ennemis, vous voulez leur donner le plus beau prétexte de me calomnier, de m’accuser d’avoir toléré, encouragé même cette passion, qui n’est au fond qu’une affection détournée, un instinct de cœur, un amour fraternel dont j’attendais mes seules joies