Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/289

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tesse en voyant entrer Ricardo porteur d’une lettre dont l’ambassadeur de France attendait, disait-il, la réponse. Il aurait pu ajouter que Son Excellence l’attendait depuis une heure. Car Ricardo voulant s’en faire un prétexte pour entrer chez sa maîtresse au moment où il croirait l’entretien le plus animé, avait conservé la lettre, écoutant à travers la porte à l’inflexion des voix si l’instant était bien choisi pour troubler le tête-à-tête.

La vie simple et chaste que menait madame des Bruyères lui faisait négliger les précautions habituelles aux femmes sujettes aux aventures galantes ; excepté son cabinet de toilette et sa chambre à coucher, on pouvait entrer à toute heure dans le reste de son appartement, Ricardo le savait, et il en profita. Trompé par les apparences, par la figure bouleversée d’Édouard, par sa précipitation à quitter son humble attitude, par le tremblement qui agitait la main de Clotilde en prenant la lettre sur le plateau qu’il lui présentait, Ricardo ne douta point qu’il n’eût interrompu un de ces entretiens que les Anglais appellent une criminelle conversation ; il en ressentit toute la joie d’un espion découvrant un secret dont il doit être bien payé, et qui le dispense d’en imaginer de fictifs pour conserver sa place.