Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/13

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— Vous me supposez donc une prévention bien aveugle ?

— Non, je ne pense même point que cet homme-là puisse l’inspirer ; mais vous vous refusez à convenir de l’influence qu’il exerce sur toute votre société, même sur les gens qui le détestent, et cependant les preuves abondent. Je gage que cette rupture est encore son ouvrage.

— Ah ! monsieur le maréchal, quel affreux soupçon ! il faut une amitié comme la mienne pour vous le pardonner, car je ne feindrai point de ne vous avoir pas compris ; je sais de qui vous voulez parler, mais croyez bien que votre malveillance habituelle pour M. de Varèze me l’a seule fait deviner.

— Je ne l’accuse pas de vouloir tout le mal qu’il fait, reprit le maréchal, Dieu m’en garde ; je suis certain même qu’il se battrait à outrance contre tous ceux qui oseraient le lui reprocher ; et pourtant il n’en est pas moins vrai que ses mauvaises ou bonnes plaisanteries sont la terreur des maris, des amants et des mères. Vous-même, qui le défendez, convenez qu’il vous fait peur, et que malgré vos vingt-cinq ans, votre titre de veuve, de duchesse, votre rang à la cour, vos succès dans le monde, vous lui témoignez plus d’estime que vous n’en avez dans le fond pour son caractère ; tant vous redoutez avec raison la gaieté de ses épigrammes.

— C’est faire trop d’honneur à ma prudence, reprit la duchesse en cherchant à réprimer un léger mouve-