Page:Nichault - Leonie de Montbreuse.djvu/165

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su le fuir, il fallait le supporter dignement, et je m’arrêtai à cette dernière résolution. Elle était noble, courageuse, et devait me rendre en satisfaction d’amour-propre tout ce que je perdais en bonheur. Pour en compléter l’héroïsme, il aurait fallu paraître ignorer la perfidie d’Alfred et le forcer, par cette ignorance même, à garder envers moi tous les ménagements dûs à l’amie que l’on a trompée et qu’on chérit encore ; mais je n’eus pas la force d’employer cet ingénieux moyen dont les amants trahis devraient s’imposer le devoir.

L’idée de passer pour dupes les révolte, et le désir d’établir leur supériorité sur le coupable les aveugle au point de ne pas voir combien cet avantage nuit aux intérêts de leur amour. La certitude de valoir mieux qu’un autre est une découverte dont on garde bien rarement le secret, et je n’étais pas dans l’âge où la raison l’emporte sur l’orgueil, aussi n’eus-je pas même la pensée de me refuser le plaisir des reproches.

Dès que le jour parut, je me rendis chez ma tante. Elle était à écrire et paraissait ne s’être pas couchée de