Page:Nichault - Leonie de Montbreuse.djvu/76

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que de choses indifférentes, n’ayant pas l’air de s’apercevoir de ma tristesse, pour m’ôter toute idée d’en voir cesser la cause, et paraissant trouver cette manière d’exister assez douce pour la supporter toute sa vie.

Je suis née avec plus de courage que n’en ont ordinairement les femmes pour braver la douleur, mais je n’ai jamais pu souffrir avec résignation les tourments de l’incertitude ; aussi, pour me délivrer de celle où me laissait l’espérance de fléchir mon père, et la crainte de le voir persister dans sa rigueur envers Alfred, j’imaginai de fixer moi-même mon sort, en renonçant volontairement à toutes les illusions d’un bonheur incertain. J’établis dans ma pensée que M. de Montbreuse resterait immuable dans sa volonté, et que j’étais condamnée à passer ma vie loin d’Alfred, sans cesser de l’aimer ; je m’estimai davantage, en me persuadant que notre amour résisterait au temps, à l’absence et aux obstacles ; et, dès ce moment, je me regardai comme une femme séparée de son époux, et dont la constance n’est plus qu’un devoir. Je fis graver