Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/11

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avertissait de son rang et de ses qualités supérieures avant même qu’on pût en juger.

Cependant elle s’élevait presque inaperçue dans cette cour brillante, où l’ambition, la gloire et la galantrie occupaient seules tous les esprits. L’existence d’une jeune princesse destinée à quitter pour jamais la France et sa royale famille à l’âge où sa beauté et ses qualités devaient se développer, semblait à cette époque d’un si faible intérêt, qu’on n’en trouve pas la moindre trace dans les mémoires de ce temps.

Chaque matin, Mademoiselle, conduite par madame de Saint-Chaumont, venait rendre ses devoirs au prince son père et à la princesse sa mère, puis elle rentrait dans son appartement pour y passer le reste de la journée, seule avec les dames attachées à sa maison. À Versailles, elle avait de plus le plaisir de se promener dans le bosquet de la Reine, où monseigneur le Dauphin prenait aussi ses récréations. Le bonheur de se rencontrer sous ces jeunes ombrages, de cueillir ensemble quelques fleurs pour faire des couronnes et s’en parer le front mutuellement ; étaient les seules joies qui leur fussent permises : jouer franchement comme tous les enfants jouent entre eux, c’eût été manquer à leur rang et s’attirer les vives réprimandes des grands personnages chargés de leur éducation. Ainsi, leur gaieté comprimée, leur tendresse enfantine réduite aux expressions d’une politesse respectueuse, donnaient à leur réunion une teinte mélancolique et presque romanesque fort étrangère à leur âge. Le seul plaisir intime dont on laissait jouir parfois la petite princesse, était celui de causer avec sa nourrice et d’apprendre d’elle les événements qui pouvaient intéresser un enfant de son âge ; innocent bavardage qui pourtant éclaira souvent Marie-Louise sur plusieurs intrigues de la cour, qu’une surveillance active lui aurait laissé ignorer.

Un soir, Mademoiselle fut réveillée par les cris d’un enfant nouveau-né : c’était une petite sœur que venait de lui