Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/323

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par les médecins de la cour, affirmèrent que la reine n’avait pris qu’une jatte de lait en se mettant au lit. Ce lait, mêlé de miel, avait été préparé, comme il l’était chaque soir, par une de ses femmes de chambre.

Le danger où tomba tout à coup Marie-Louise jeta l’alarme dans le palais. Le mot de poison se disait tout bas, mais se répétait de bouche en bouche. Il parvint aux oreilles du roi, qui en éprouva une terreur au moins aussi vive pour lui que pour la reine. Se voyant déjà écrasé sous le poids de la colère de Louis XIV, il donna l’ordre de ne point laisser pénétrer dans le palais l’ambassadeur de France, et il se rendit auprès de la reine, bien décidé à ne la point quitter tant qu’elle serait en danger. Mais le courage de Charles II ne tint pas contre la vue de si horribles souffrances ; dès le second jour on fut obligé de le reporter évanoui dans sa chambre, où son confesseur et ses médecins le retinrent par force.

Pendant ce temps, tous les secours ayant échoué, même le contre-poison envoyé par Monsieur à sa fille, et l’état de la reine laissant peu d’espérance, l’archevêque dé Tolède fut appelé auprès d’elle pour la bénir et recevoir sa confession.

On présume que le saint homme employa toute son éloquence à convaincre la reine des malheurs qu’il résulterait pour l’Espagne et la France si elle persistait à laisser croire qu’elle succombait à la trahison de ses ennemis. Sans doute il l’engagea à sacrifier les intérêts de cette vie mortelle aux soins pieux, à tous les renoncements qui devaient lui assurer la vie du ciel, car elle offrit dès ce moment l’exemple d’une résignation angélique.

Il est des situations, des supplices de cœur que nulle expression ne peut rendre. M. de Rébenac, hors de lui, soutenu seulement par la colère de se voir d’heure en heure refuser l’entrée du palais ; et décidé à mourir plutôt que de renoncer à recevoir les plaintes, les ordres, les adieux de Marie-Louise, écrivit au roi dans des termes si injurieux, si menaçants qu’il