Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/324

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voulait à l’instant même juger par ses propres yeux de l’état de la reine, pour en rendre compte à son maître ; il articula si nettement qu’il prendrait un nouveau refus pour l’aveu d’un empoisonnement[1], qu’il reçut enfin la permission si souvent et si vainement réclamée.

L’excès du malheur donne une force désespérée qui rend presque insensible[2], c’est à cette excitation fébrile que M. de Rébenac dut ne pas succomber à l’aspect déchirant du tableau qui l’attendait.

D’abord, l’attitude des gardes du palais le frappa. Ils étaient consternés. S’interrogeant des yeux, ils observaient un religieux silence. Attentifs au moindre bruit qui se faisait entendre du côté des appartements de la reine, ils se précipitaient aussitôt pour en savoir la cause. Puis ils revenaient tristement à leur place, sans oser se communiquer leur pensée sur ce que la physionomie lugubre des gens qui sortaient de chez la reine leur faisait supposer. C’était plus que l’accablement où plonge un grand malheur ; c’était la terreur muette qu’inspire un grand crime.

En traversant la galerie, M. de Rébenac rencontra le marquis d’Astorga qui reconduisait le confesseur de la reine.

— C’est un ange qui remonte au ciel, disait le prêtre. Faites que rien ne trouble son ascension, ajouta-t-il en portant les yeux sur l’ambassadeur de France.

— Une si sainte résignation, dit le marquis, ne lui méritera-t-elle point du ciel quelque adoucissement à ses horribles souffrances.

  1. Le comte de Mansfeld et le comte d’Oropeza sont soupçonnés l’un et l’autre d’avoir été les auteurs de la mort de Marie-Louise, et prennent peu de soins de s’en justifier. (Mémoires de Torcy.)
  2. « La passion de Rébenac n’a point fait de tort à notre jeune reine d’Espagne ; c’est le comte de Mansfeld, au nez pointu, qui l’a empoisonnée. » (Fragments historiques de la princesse Charlotte de Bavière, Madame.)