Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/325

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— Elles sont calmées ; Dieu a pris pitié du martyre, répliqua l’archevêque ; qu’il soit loué !

En cet instant, la marquise del Fresno vint au-devant de M. de Rébenac, qui, chancelant, n’osait franchir la porte qu’un page tenait entr’ouverte.

— Du courage, dit la marquise, en prenant le bras du comte, et en soulevant un coin de la portière en tapisserie, qui lui cachait encore l’intérieur de la chambre royale. Les moments sont précieux, elle veut vous parler.

Alors, M. de Rébenac, se laissant guider par la marquise, se trouva bientôt à peu de distance du lit de la reine.

Ses yeux fixés sur elle, il la regardait sans la voir. Il ne reconnaissait point dans ce visage inanimé, ces regards éteints, ces lèvres livides, la femme resplendissante de jeunesse et de beauté qu’il avait vue deux jours auparavant, l’emporter en fraîcheur et en éclat sur les plus séduisantes femmes de sa cour. Cette chambre dont les fenêtres, recouvertes d’épais rideaux, ne laissaient pénétrer qu’une lumière sombre ; l’espèce d’isolement où se trouvait la malade, que les femmes de sa cour et même celles de son service tremblaient d’approcher, tant chacune d’elles redoutait d’être interrogée sur la cause des souffrances de la reine, et de se voir compromise dans les recherches qui seraient faites à sa mort ; tout pénétrait l’âme de M. de Rébenac d’un effroi mortel, d’une pitié déchirante. Couvert d’une sueur froide, il restait là immobile, comme anéanti sous le poids de ses impressions.

En le voyant entrer, la camarera-mayor s’était retirée discrètement dans le fond de la chambre, et la petite Elvire s’était enfuie en pleurant dans le cabinet des filles d’honneur.

La reine alors, levant avec peine sa main tremblante dont l’effet du poison corrosif avait fait tomber les ongles, fit signe au comte de venir près d’elle ; il se prosterna aux pieds du lit ; mais elle lui dit d’une voix à peine articulée de s’approcher davantage pour qu’il pût l’entendre. Il se releva