Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/326

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aussi mourant qu’elle, et ne pouvant proférer un mot. À la vue de ce beau visage déjà frappé de mort, de ces regards ternis par la souffrance, de ces lèvres sans couleur qui sentr’ouvaient avec peine pour exhaler quelques plaintes déchirantes ou prononcer quelques douces paroles, M. de Rébenac sentit sa respiration s’arrêter et crut un moment que le ciel touché de son supplice, allait y mettre fin : mais la voix de la reine le ranima.

— Dieu le veut ainsi, dit-elle, vos soins ont été vains, ne le regrettez pas… J’étais si malheureuse !… Mais cette mort peut amener d’affreux événements… et je compte sur votre sagesse… sur votre dévouement… pour empêcher les malheurs qui en doivent naître…

— C’est trop exiger, madame, répond le comte d’une voix tremblante, après vous… je le sens, Dieu me fera la grâce de…

— Ah ! si je vous suis chère, interrompit la reine… vous vivrez pour me justifier des calomnies que mes assassins vont répandre. Vous vivrez pour consoler mon père, ma famille, par le récit de mes derniers moments… Vous leur direz que nuls remords, nul ressentiment, n’ont troublé mon agonie… que je suis morte en pardonnant à ceux qui m’ont vouée… à la vie la plus affreuse… comme à ceux… qui m’en ont délivrée… si criminellement.

Et la reine laissa tomber sa tête sur l’oreiller, comme épuisée par un si grand effort.

— Avoir connu vos ennemis, s’écria Rébenac, avec l’accent du désespoir ; avoir su leurs affreux complots, et n’avoir pu vous sauver… Ah ! qui pourrait vivre, madame, sous le poids d’un tel reproche.

— Je sais tout ce que vous avez fait pour détourner le coup qui me frappe ; mais la trahison devait l’emporter sur les efforts, les soins du zèle… le plus… tendre… Oui, je le sais… ajoute la reine dans une sorte d’égarement… je sais… ce que vous éprouvez pour moi… les regrets qui vous dévorent…