Page:Nichault - Marie Louise d Orleans.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ah ! si j’ai bien lu dans votre âme… Enfin, si… vous… m’aimez… vous obéirez à mes derniers vœux… Vous resterez pour les accomplir.

— Vous le savez ? s’écria Rébenac, ivre de joie et de douleur. Vous savez que depuis le jour où je vous ai admirée pour la première fois, vous êtes l’arbitre de mon sort. Vous savez que vous étiez ma vie, et vous exigez…

— Oui, je l’ordonne, interrompit Marie-Louise… Vous me survivrez pour m’aimer encore… et vous bénirez la mort qui me permet de vous parler ainsi… d’oser vous demander… ce que vivante, il eût fallu vous défendre… Ah ! ne me plaignez pas de quitter la terre… qui sait ce qu’une destinée si fatale m’y réservait… qui sait le trouble qu’un amour si noble, si désintéressé, pouvait porter dans mon âme… Dieu me sauve peut-être en m’appelant à lui…

— Se peut-il ! s’écria Rébenac en tombant à genoux. Quoi ! votre cœur aurait été ému ?…

— Arrêtez, dit la reine d’un ton imposant, respectez la sainteté de ces derniers moments. Songez que c’est le pied dans la tombe que je vous parle… et que vous n’aimez déjà plus qu’un fantôme… Résignez-vous à ma mort comme je m’y résigne moi-même… empêchez qu’on ne la venge… et gardez-moi, dans vous… un ami qui la pleure longtemps… Tenez, ajouta Marie-Louise en donnant sa main à baiser au comte, jurez sur cette main de maintenir de tout votre pouvoir la paix entre la France et l’Espagne… de calmer le ressentiment de mon père… du roi mon oncle, en leur disant que je meurs… d’une mort naturelle… que vous m’avez vue leur sourire à ma dernière heure… Oui, je le sens… un calme inespéré succède à mes douleurs… Pourquoi ces cris… ces sanglots ?… Je ne souffre plus, vous dis-je… Ah ! ne me plaignez pas… Je ne quitte point… d’enfant… et je vais rejoindre… ma mère !…

Une horrible contraction de la main que tenait M. de Rébe-