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LA LOI DU SUD

— Une fumée !

L’espoir leur infusait une force neuve.

Bientôt ils arrivèrent dans une clairière où l’on voyait des paillotes. Des noirs s’avancèrent vers eux en poussant des exclamations de bienvenue. Un vieux, le chef de la tribu sans doute, s’approcha, baisa les nouveaux venus à l’épaule. Brigitte le regarda et retint un hurlement.

Il était couvert de plaies violacées, suppurantes. Son nez était rongé et des filets sanguinolents coulaient de ses yeux et de sa bouche.

— La lèpre ! fit Antoine.

Et il attira la jeune fille vers lui en un geste de protection car, tout autour d’eux, les noirs qui accouraient pour les voir étaient marqués des signes de l’effroyable maladie.

Ils étaient dans une case qu’ils avaient bâtie eux-mêmes. Brigitte sortait peu, la vue de ces moignons qui semblaient avoir été usés en les frottant sur des pierres dures, celle de ces corps mutilés, de ces visages de cauchemar, l’emplissait de terreur.

Dans la forêt vierge les tam-tam roulaient au-dessus de leurs têtes répétant que deux blancs étaient en détresse dans le village de ceux qui, étant morts au monde, s’étaient cachés pour vivre sans voir l’horreur s’allumer dans les yeux de ceux qu’ils rencontraient.

Antoine tentait de la rassurer.

— Vous savez, ça ne s’attrape pas si facilement !

Les sœurs blanches des léproseries n’ont jamais constaté de contagion.

Mais elle avait peur, une peur abjecte qui l’empêchait de penser, de respirer, de vivre.

Cinq jours plus tard, une voiture venait les chercher. En arrivant à Dosso, Antoine lui prit la main.

— Vous avez été brave ! Je regrette que nous nous quittions.