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AU PAYS DE L’AMOUR BLEU

piste hallucinante entre les montagnes aux formes étranges : dômes, colonnes massives, arêtes aux délicates ciselures, pitons monstrueux, tout cela de taille gigantesque, sans fondation, royaume bizarre qui semblait prêt à s’écrouler devant elle, à l’engloutir à tout jamais.

Mais il fallait se rendre à l’évidence ! Aucun Targui ne la regardait même pas. Ils restaient indifférents devant sa beauté et sa jeunesse.

— Tahia, aide-moi… insista-t-elle… Je te donnerai le saphir que je porte au doigt… Ce saphir pareil à mes yeux, dis-tu et qui te fera souvenir de moi.

La fille Targuia se mit à rire.

— J’ai une idée… Demain soir, j’offrirai un ahal, une soirée d’amour… Et je retiendrai sous ma tente celui qui te plaît, car je sais ton secret, je sais celui auquel tu ne cesses de penser. Tu seras là, dissimulée aux yeux de tous, habillée comme moi… Je partirai sans qu’il s’en aperçoive… Croyant m’aimer… c’est toi qu’il étreindra dans l’ombre… Pour le reste, Allah seul est maître et décidera…

Tahia est poète. Elle a vingt ans.

Son visage reste dévoilé au seul pays d’Islam où les femmes soient libres.

On ne connaît pas le nombre de ses amoureux. Sans doute, l’a-t-elle oublié, elle aussi.

Elle est un peu la reine de cette montagne. On l’aime et on la hait.

Mais elle a tant d’esprit et tant de grâce que les hommes les plus forts deviennent faibles comme des petits enfants en sa présence.

Marie-Ange sourit et lui passa sa bague au doigt, sans regret.

— Tu n’as pas peur de jouer ainsi avec l’amour ? demande la Targuia d’une voix plus basse…

— Oh ! non, pour moi, l’amour n’est jamais qu’un jeu.