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LA LOI DU SUD

Des étoiles énormes s’accrochent au ciel d’un bleu sombre et intense.

Dans le fond, la masse des montagnes se profile.

La nuit fluide est d’une douceur infinie.

Devant la vaste tente décorée de peaux de gazelles, les femmes se sont assises les premières autour du feu.

Les flammes éclairent leurs visages fardés d’ocre, leurs yeux agrandis par le koheul.

Tahia est au centre, les jambes croisées à la manière targui, l’amzad, le violon à une corde, sur ses genoux.

Les vêtements alourdis de dorures scintillent. Le buste droit, l’allure fière, les filles du Hoggar regardent venir à elles les invités.

La coutume veut que, pour se faire aimer, ils montent un méhari blanc. Ils n’y manquent pas ce soir. Un ahal est chose importante.

Un à un, les hommes s’approchent.

On ne voit d’eux, sous le litham, que leurs yeux tendres et humides comme ceux des gazelles, que leurs mains d’une extrême finesse et leurs pieds surprenants d’élégance.

Ils se sont assis derrière les femmes.

Tous sont là maintenant, venus de très loin, quittant leurs tentes et leurs troupeaux.

C’est que Tahia est belle et l’on sait que le guerrier de son choix portera comme une auréole d’avoir été aimé d’elle.

Aucun ne se doute de la présence de l’étrangère.

Voici que la première note de l’amzad retentit.

Une note qui s’étire, se prolonge, meurt et renaît, lancinante.

La voix de Tahia s’élève, dans cette langue un peu rude qu’est le tamakek :

Sachez-le, jeune homme de l’ahal
Ce qu’une femme cherche en vous
Après la bravoure