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LA LOI DU SUD

Talhia, statue dorée, aux courbes pures, arbore une bouche éclatante, un regard tendre. Sur son front, une étoile bleue est tatouée qui la préserve du mal.

La tente est pleine de son parfum auquel se mêle l’odeur des huiles dont elle oint ses nattes épaisses.

Il n’y a pas si longtemps, elle portait encore, sur le devant de la tête une touffe de cheveux, ainsi que le font les vierges de son pays.

Tandis que les palmiers balançaient nonchalamment leurs stippes au souffle qui traîne dans la rivière, elle allait se baigner à l’heure crépusculaire. Seule, elle jouait dans l’eau tiède, plongeant, nageant, et replongeant, puis revenant à la surface. Enfin, elle sortait de la rivière en s’ébrouant. La nuit montait.

Talhia reprenait sa tunique de grosse toile qu’elle fixait d’un bijou de mauvais métal sur son épaule gauche, la droite demeurant nue sous le voile qui tombait de sa tête. Elle n’était plus, Talhia, en gandourah misérable, qu’une fillette pauvre dont on devinait à peine la beauté, une fillette pauvre qui remontait lentement le chemin qui va au ksar, où près de l’âtre chiche, sa mère l’attendait.

Plus de joie en ses yeux sombres, plus de gaîté en son cœur. La mélancolie la poignait et l’angoisse de son destin. Que serait-elle dans la vie ? Elle n’osait y penser et moins encore consulter la sorcière qui, elle, lit en l’avenir. Une fillette berbère n’a qu’à se soumettre. Elle n’était point maîtresse d’elle-même.

Ce soir-là, elle rentrait lentement, quand l’ébrouement proche d’un cheval la fit tressaillir. Elle se colla au mur de boue pour laisser passer le cavalier. Mais celui-ci s’arrêta.

Il était beau. Sa main était fière qui tenait les rênes, et le burnous blanc était de laine qui l’enveloppait complètement et couvrait même le cheval piaffant.

— Qu’Allah te protège ! dit-il.