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DU SANG SOUS LA TENTE

— Sa bénédiction sur toi ! répondit-elle en levant sur lui son regard hardi.

Il lui sourit et la regarda également. Elle sentit ce regard qui, sous l’étoffe rude, suivait les courbes de son corps, puis elle le reçut encore en plein visage, sur ses lèvres charnues, sur le nez à l’arête fine, sur ses yeux noirs.

Et soudain il se pencha, et rejetant de la main le voile qui flottait sur l’épaule nue, il l’effleura de ses lèvres.

Talhia n’avait pas bougé et ne bougea pas non plus quand le cavalier, poussant son cheval, poursuivit sa route.

Mais elle savait maintenant qu’elle lui avait donné son cœur.

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas, criait Talhia.

— Les filles n’ont pas à vouloir, répondit la mère.

— Non, non, pas encore, pas encore ! suppliait la jeune fille.

— Il est temps de te marier.

Et, comme Talhia pleurait, répétant : « Je ne veux pas ! » la mère attira sa fille à elle, et, la berçant murmura :

— Tu seras puissante. Les plus riches étoffes te couvriront, tu auras des esclaves pour natter tes cheveux. Tu tiendras dans tes bras les agneaux nouveaux nés. Les pays glisseront devant toi, au cours des voyages. Les tentes se dresseront dans la plaine immense, tes pieds fouleront les sables au pas des caravanes. Ton cœur sera rempli de joie. Allah est grand !

Mais ces paroles n’entrent pas dans ce cœur triste qui vient de s’ouvrir.

Les mères ont raison, les filles ont tort.

Le ksar était en fête. De toutes parts, sur leurs méhara, les notables des pays voisins arrivaient, ayant revêtu leurs burnous chamarrés d’or et leurs voiles les plus fins.