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LA LOI DU SUD

Il sentit, sous son apparence frêle, une force cachée qui le bouleversa.

— Qui êtes-vous, demanda-t-il ?

Elle haussa les épaules :

— J’ai vingt ans, je suis seule, libre. Je dispose d’un peu d’argent et j’ai toujours rêvé d’une existence difficile. En vous voyant, j’ai compris que vous me conduiriez vers ce destin.

Elle n’ajouta pas :

— …et que vous étiez ce destin même.

Mais il l’avait deviné.

— Venez, dit-il brusquement.

Ils quittèrent la roulotte et se dirigèrent vers la ménagerie.

Le dompteur ouvrit une cage. Une tigresse, lovée tout au fond, leva sa belle tête rousse ; un peu d’or filtra dans ses prunelles fendues verticalement. Puis elle fit un bond en avant.

— Aziza, fit la voix du dompteur, une voix presque tendre bien qu’impérieuse.

Près de lui, Catherine n’avait pas fait un mouvement. La bête fit entendre un feulement rauque et doux qui portait en lui toute la terreur et l’ardeur sauvage des nuits tropicales. Puis elle repartit dans son coin.

Le belluaire mit son bras sur l’épaule de Catherine.

— Vous vous en êtes bien tirée. Partons maintenant.

Quand ils furent sortis, ils se regardèrent un moment en silence.

— Ferez-vous ce que je vous ai demandé ? interrogea-t-elle.

Il savait qu’il céderait.

— Oui, affirma-t-il.

Et, silencieusement, ayant scellé leur destin, ils remontèrent dans la roulotte.

La longue file des voitures défilait sur les routes.