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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

— C’est au moins toi qui as apporté ces fleurs. Tu es gentille. Je te remercie.

— Tu m’excuseras. Je n’ai trouvé que des œillets. J’espère que tu n’es pas superstitieuse.

— Si je l’avais été, comment pourrais-je le demeurer puisque j’ai eu la chance de rencontrer une aussi chic camarade que toi.

— N’en jetez plus… Ah ! il faut que je te prévienne. Tu n’as ici qu’une voisine… oui, la porte en face. Ce n’est pas elle qui te gênera. Elle n’est plus toute jeune, toute jeune, sans être encore vieille. Il y a, paraît-il, quinze ans qu’elle habite ici. Dans le temps, elle a été gommeuse dans un café-concert, puis elle est devenue habilleuse. Tu vois le genre. On l’appelle Madame Amandine. C’est une femme tout ce qu’il y a de tranquille. Elle a peut-être fait la noce quand elle était jeune, mais maintenant elle tient le ménage du pharmacien de la rue des Martyrs. Et dame, ça la grise un peu l’honnêteté. Je crois même qu’elle nous méprise. Mais, au fond, tu t’en fiches ; tu ne la verras presque jamais.

— Et puis, tu sais, moi, les qu’en dira-t-on…

— Tu as bien raison. Mais, dis donc, il est huit heures, il faut qu’on se trotte au Casino.

 

Comme elle l’avait promis, après la représentation, Ruby retrouva Jean qui l’emmena souper à « l’Amiral ». Il était surprenant de voir inscrite sur les murs la phrase de Jaurès : « Les cafés sont