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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Liliane débouchait la bouteille, remplissait les verres. Puis elle s’approcha de Tonio et l’entoura de ses bras.

L’homme leva son verre en fixant Ruby.

— À votre santé, ma jolie. Et à vos amours.

— Tchin-tchin, répliqua Ruby, en riant.

Il n’y avait plus en elle aucune frayeur, aucune appréhension. Elle s’amusait même beaucoup.

— N’est-ce pas qu’il est beau gars ? fit Liliane.

Et elle tendit ses lèvres à son mari.

 

Vers le soir, il commença à tomber une petite pluie fine et froide. Les réverbères se mirent à faire des cercles de clarté sur le bitume mouillé et les enseignes au néon à essaimer des nuées rouges et violettes. Les pneus des voitures écrasaient de petites gerbes au ras du sol.

— Sale temps, soupira Ruby en poussant la porte du bar de la place Pigalle où elle devait rencontrer Liliane.

La pluie y avait chassé les filles qui s’efforçaient à la désinvolture pour s’excuser de ne point consommer. Vingt fois, elles revenaient poser leur cigarette à l’allumeur culbutant qui dardait une petite langue de gaz. Vingt fois, elles allaient à travers les vitres regarder la pluie méchante qui harcelait les passants.

En buvant des pastis d’un laiteux verdâtre, des hommes volubiles discutaient à n’en plus finir. Le ventre encastré dans sa caisse, le patron, de ses