yeux morts, surveillait ; les manches de chemise roulées jusqu’au coude sur ses bras poilus, le plongeur barbotait dans sa cuve. Deux petits voyous en casquette jouaient à un appareil à billes dont le timbre aigrelet dominait le vacarme des voix.
Ruby se fraya un chemin parmi la cohue qui sentait le tabac blond et la poudre de riz. Elle poussa une porte battante qui donnait sur une arrière-salle et tout de suite elle vit Liliane installée près d’une table nue. Souriante elle s’assit près d’elle. Liliane n’eut pas un geste,
Le garçon s’approcha. C’était une espèce de nabot à tête énorme sous une tignasse grisonnante, qui, sur ses jambes trop courtes, marchait en se dandinant comme un canard.
— Ce sera ? demanda-t-il.
— Un grog, répondit Ruby, je suis glacée. Quel sale temps !
Puis s’adressant à Liliane toujours immobile :
— Et toi, que prends-tu ?
— Moi, je ne prends rien, fit Liliane les dents serrées, la voix mauvaise… rien, pas même le mari des autres.
Ruby la regarda, interloquée.
— Que dis-tu, Liliane ?… Que veux-tu insinuer ? Tu peux bien garder ton Tonio. Je n’ai nulle envie de le prendre.
Mais Liliane commença à crier.
— Menteuse… Menteuse… Petite ordure… Tonio m’a tout raconté.