Page:Nicolet - Le Martyr de Futuna.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
PIERRE-LOUIS-MARIE CHANEL

soin de mettre quelques comestibles ; puis elle me recommandait d’être bien sage… Je partais gaiment, suivi de mon chien, qui faisait bonne garde autour du troupeau. Le pauvre animal n’était pas joli, mais il avait un instinct admirable. Je pouvais me reposer sur lui de la surveillance que j’avais à faire. Pour le payer de ses bons services, je ne l’oubliais jamais à l’heure de mes repas…

Cette solitude ne manquait pas de périls. La condition de berger, soit par les rencontres qu’on y peut faire, soit par suite du désœuvrement, est trop souvent l’écueil de l’innocence. Pour écarter l’ennui et les dangers de l’isolement, Pierre sut se créer quelques occupations utiles ou des distractions salutaires. Parfois aussi les enfants de sa condition et de son âge accouraient auprès de lui, et il prenait part à leurs jeux innocents ; mais sa piété le ramenait à ses amusements favoris. Avec ses petits compagnons, il construisait des autels, imitait les cérémonies de l’église, et quelquefois, se rappelant le prône du dimanche, il leur adressait une exhortation qui captivait l’attention du jeune auditoire.

Dans la belle saison, presque toujours en rentrant à la maison, il rapportait un bouquet de fleurs cueillies dans les prés, qu’il plaçait au pied de l’image de la Vierge devant laquelle on faisait la prière du soir.

Les parents de Pierre, qui ne savaient ni lire ni écrire, sentaient vivement le prix de l’instruction qui leur avait manque ; aussi pendant l’hiver de 1810 envoyèrent-ils leur enfant à l’école primaire de Saint-Didier, la plus rapprochée du hameau de la Potière.