Page:Nietzsche - Considérations Inactuelles, II.djvu/32

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cisme et d’un relativisme qui rongent et qui émiettent; et c’est seulement chez les esprits les plus actifs et les plus nobles, n’ayant jamais toléré de vivre dans l’incer­titude que se présenterait, au lieu de cet esprit, le sen­timent de douter et désespérer de toute vérité, tel que nous le retrouvons par exemple chez Henri de Kleist, comme un effet de la philosophie kantienne.

« Récemment, écrit-il une fois sur le ton saisissant qui lui était coutumier, récemment j’ai pris contact avec la philosophie kantienne et il faut que je te communique mes idées à son sujet, sans devoir craindre qu’elle ne t’ébranle aussi profondément, aussi douloureusement que moi… Nous ne pouvons pas décider si ce que nous appelons vérité est véritablement la vérité ou si elle nous paraît seulement telle. Dans le dernier cas, la vérité que nous cherchons ici-bas n’est plus rien après la mort et tout effort est vain d’acquérir un bien qui nous suit dans la tombe… Si la pointe de cette idée ne touche pas ton cœur, ne souris pas d’un autre qu’elle a blessé pro­fondément, jusqu’en son tréfonds le plus sacré. Mon seul but, mon but le plus sacré, s’est évanoui et je n’en ai plus d’autre.»

Quand donc les hommes éprouveront-ils de nouveau de la sorte des sentiments naturels comme ceux qu’é­prouva Kleist, quand sauront-ils mesurer de nouveau le sens d’une philosophie à l’étiage de leur « tréfonds le plus sacré » ? Et pourtant il devrait en être ainsi, pour que nous puissions apprécier ce que, après Kant, Schopenhauer peut être pour nous, à savoir le chef qui, des cimes du découragement sceptique ou du renoncement critique mène plus haut, jusqu’au sommet de la con