quoi l’on ne doit pas avoir trop d’assurance dans
sa bonne opinion d’un artiste quelconque : c’est là
non seulement la foi en la vérité de nos impressions,
mais encore en l’infaillibilité de notre jugement
ou impression, quand jugement ou impression
ou l’un et l’autre peuvent eux-mêmes être
d’espèce trop grossière ou trop fine, surexcités ou
incultes. De même les effets bienfaisants et édifiants
d’une philosophie, d’une religion ne prouvent
rien pour leur vérité : tout aussi peu que le
bonheur que l’aliéné goûte à son idée fixe prouve
quoi que ce soit pour la sagesse de cette idée.
Culte du génie par vanité. — Pensant du bien de nous, mais n’attendant pourtant pas du tout de nous de pouvoir former seulement l’ébauche d’un f tableau de Piaphaël ou une scène pareille à celles d’un drame de Shakespeare, nous nous persuadons que le talent de ces choses est un miracle tout à fait démesuré, un hasard fort rare, ou, si nous avons encore des sentiments religieux, une grâce d’en haut. C’est ainsi que notre vanité, notre amour-propre, favorise le culte du génie : car ce n’est qu’à condition d’être supposé très éloigné de nous, comme un miraculum, qu’il ne nous blesse pas (Gœthe même, l’homme sans envie, nommait Shakespeare son étoile des hauteurs lointaines ; sur