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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

noble de tous les temps. Nous nous trouvons encore assez près de la magie des forces d’où ces cultures sont sorties, pour pouvoir nous y soumettre, temporairement, avec joie et frémissement : tandis que des civilisations plus anciennes ne surent que jouir d’elles-mêmes, sans voir au delà, comme si elles étaient enfermées sous une cloche de verre, où pénétreraient les rayons de lumière, mais sans laisser passer le regard. Par rapport à l’avenir, s’ouvre à nous, pour la première fois dans l’histoire, la vue prodigieuse des desseins humains et œcuméniques qui embrassent la terre tout entière. En même temps nous sentons en nous la force de prendre en main, sans aide surnaturelle, mais aussi sans présomption, cette tâche nouvelle ; et, quel que soit le résultat de notre entreprise, quand même nous aurions estimé trop haut nos forces, il n’y aurait personne en tous les cas à qui nous devions rendre compte, hors nous-mêmes : l’humanité peut dès maintenant faire d’elle-même tout ce qu’elle veut. — Il est vrai qu’il existe de singulières abeilles humaines qui, dans le calice de toutes choses, ne savent toujours puiser que ce qu’il y a de plus amer et de plus fâcheux ; — et, en effet, toutes choses portent en elles quelque chose de ce fiel. Que ces abeilles humaines pensent donc du bonheur de notre époque tout ce qu’elles voudront, et continuent à bâtir la ruche de leur déplaisir.

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Une vision. — Des heures d’enseignement et de contemplation pour les adultes et les hommes mûrs,