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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

tion. Car il interprétait toute culpabilité comme un « péché », c’est-à-dire comme une faute envers Dieu, et non point comme une faute envers le monde ; d’autre part il considérait chacun dans la plus large mesure et presque sous tous les rapports comme un pécheur. Les coupables cependant ne doivent pas être les juges de leurs semblables : c’est ainsi que décidait son esprit d’équité. Tous les juges de la justice terrestre étaient donc, à ses yeux, aussi coupables que ceux qu’ils condamnaient, et leur air d’innocence lui semblait hypocrite et pharisien. De plus, il regardait aux motifs des actions et non au succès, et pour juger ces motifs il y avait quelqu’un qui possédait la perspicacité nécessaire : lui-même (ou, comme il s’exprimait : Dieu).

82.

Une affectation en prenant congé. — Celui qui veut se séparer d’un parti ou d’une religion s’imagine qu’il est nécessaire pour lui de le réfuter. Mais c’est là une prétention orgueilleuse. Il est seulement nécessaire qu’il connaisse exactement les attaches qui le retenaient jusqu’à présent à ce parti ou à cette religion, attaches qui maintenant n’existent plus, des intentions qui le poussaient dans cette voie et qui maintenant le poussent ailleurs. Ce n’est point pour les raisons sévères de la connaissance que nous nous sommes mis du côté de tel parti ou de telle religion : nous ne devrions pas, en en prenant congé, affecter cette attitude.