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Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/128

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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

une voix divine se faisait entendre, et lui prêtait une assurance nouvelle. Lorsqu’elle parle, toujours cette voix dissuade. Dans cette nature tout anormale, la sagesse instinctive n’intervient que pour entraver, combattre l’entendement conscient. Tandis que chez tous les hommes, en ce qui concerne la genèse de la productivité, l’instinct est précisément la force positive, créatrice, et la raison consciente une fonction critique, décourageante, chez Socrate, l’instinct se révèle critique, et la raison est créatrice, — véritable monstruosité per defectum ! Et, en effet, nous constatons ici un monstrueux défaut de toute disposition naturelle au mysticisme, de sorte que Socrate pourrait être considéré comme le non-mystique spécifique, chez lequel, par une particulière superfétation, l’esprit logique eût été développé d’une façon aussi démesurée que l’est, chez le mystique, la sagesse instinctive. Mais, d’autre part, le pouvoir de faire un retour sur soi-même était absolument refusé à cet instinct impulsif de logique, qui apparaît chez Socrate ; ce torrent sans frein est comme une force de la nature ; il se précipite avec une violence que nous rencontrons seulement, pour notre stupéfaction et notre épouvante, dans les plus irrésistibles impulsions de l’instinct. Quiconque, à la lecture des écrits de Platon, a senti passer sur soi le souffle de cette naïveté et de cette sécurité divines de la doctrine socratique de la vie, reconnaît aussi que